Le printemps c’est un peu un aguicheur qui nous attire dehors avec des températures inhabituelles pour la saison, qui nous laisse entrevoir un rayon de soleil assez chaleureux pour le faire disparaître immédiatement dès qu’il est certain d’avoir capté notre attention.
Les oiseaux s’y laissent prendre et commencent à préparer les nids en attendant le grand moment. Les pies recyclent et consolident les constructions de l’an dernier alors que les mésanges nettoient et lissent les parois du nichoir dont les teintes commencent à virer au gris.
D’ailleurs il en est une à ma droite qui semble intéressée par de la filasse de mousse au point de ne pas s’inquiéter de ma proximité. Cela pourrait être vexant d’être moins considéré qu’un bout de liane même si la matière et la forme de ce bout de truc semblent vraiment idéales pour la conception d’un nid.
Il faudra un petit moment d’observation pour me rendre compte que quelque chose n’est pas normal, que le comportement insolite de la mésange trahit un problème. Cette andouille a fini par d’emberlificoter dans le fil et se retrouve attachée. Je l’observe un moment pour voir si elle pourra s’en sortir seule avant de décider d’intervenir.
Elle n’apprécie guère que je m’approche et commence à paniquer en cherchant à s’envoler à fuir à tout prix. Pour elle je dois être le responsable de ce collet, c’est bien un truc de pervers, c’est bien un truc d’Homme que de laisser des filets partout. Il parait que certains utilisent même de la colle sur les branches.
Je ne sais pas trop comment m’y prendre, je voudrais l’attraper pour la maintenir et éviter qu’elle balance des coups d’ailes ou de bec tous azimuts mais j’ai besoin de mes deux mains pour défaire ce sac de nœud. Plus elle bouge plus le fil se resserre autour de sa patte.
Je tente de lui parler calmement, mais elle n’écoute rien et pire, son compagnon vient se poser sur une branche juste au-dessus de ma tête pour me siffler fort dessus, me prier de la laisser tranquille, m’invectiver.
Alors me vient l’idée de chanter. C’est un air que j’ai dans la tête depuis un moment, les paroles déboulent toutes seules, coulent comme un liquide, et si cela ne les calme pas, moi cela me permet d’être à ce que je fais, de ne plus trop les entendre.
« Ce n’est qu’un aurevoir, ce n’est pas la fin,
Je ne mentirai pas, tout ne va pas bien,
Mais ce n’est qu’un aurevoir au moins jusqu’à demain,
Je ne te l’apprends pas, le contraire de tout n’est pas rien,
Tu sais que rien ne s’arrête complétement
Il y a encore de toi dans mes sentiments… »
La manœuvre n’est pas simple, c’est du niveau chirurgical et j’ai très peur de lui casser la patte. Je coupe le bout de branche pour plus de liberté, j’y vais par petits bouts, je chante encore.
« Ce n’est qu’un aurevoir, ce n’est pas la fin… »
Enfin, dès qu’elle sent que la contrainte se relâche, dès que j’ai réussi à défaire le dernier nœud, elle s’envole et se pose à terre, à un mettre, pour s’enfuir aussitôt.
Son compagnon reste au-dessus de moi, il me toise, il ne dit plus rien, il ne sait pas trop quoi penser de ma petite personne.
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