« Au feu ! au feu ! crièrent les moineaux.
Au feu ! son plastron brûle !
Qu’on déverse sur lui le seau
De la petite Ursule ! »
Mais calmement, le rouge-gorge
Continuait à remuer
Les pattes, la queue, le gosier
Sans voir qu’il faisait flamboyer
Autour de lui, l’hiver entier.
Maurice Carême, La Grange bleue

Conserver,

quelques gouttes de l’année   

à réchauffer et à manipuler

en douceur

plus tard

Aujourd’hui, c’est noël

pour tout le monde.

il est quand même notable

que j’ai été assez malin

pour placer le banc

dans la partie exclusivement printanière du jardin.

Non ?  

Cette maison, cela sera, aussi, la possibilité un jour d’avoir un établi et un beau panneau en bois pour pouvoir accrocher les outils dessus grâce à des clous et dessiner ensuite leur contour qui délimitera la place de chacun. Les clés à pipe seront alignées dans l’ordre de grandeur et il y aura des supports pour les tournes vis. Avoir enfin des outils c’est important. Les voir alignés c’est rassurant.

Pour creuser le sol de la remise afin de mettre la chape à niveau, il a fallu acheter une pioche, une pelle de terrassier et une pelle à sable. La pelle à sable est d’avantage une pelle à neige et cet été, je voyais bien comment il faudrait la manœuvrer pour déblayer le portail. Je voyais comme cela allait être un jeu d’enfant, qu’il suffisait d’un col roulé, d’une paire de gants, d’un soleil glacé et d’une de ces matinées où il est bon n’entendre que le son de la pelle raclant la glace.

Il a neigé toute la semaine dernière mais nous n’y étions pas. C’est donc encore une pelle à sable qui est rangée en vrac au fond du garage.

Elle est tombée d’on ne sait où, au sommet du crane, froide, c’est soudain et inattendu. Là, sur la peau, compacte, une loupe d’eau à travers de laquelle on peut aller dans le détail des stries de ton épiderme, on peut voir en toi, peut être même tout ce que tu veux cacher. C’est ce qui te gêne le plus, d’avantage que sa consistance liquide ou sa température et aussi que tes yeux à toi ne peuvent pas la voir, ce qu’elle peut montrer, la couleur que cela peut prendre.
Et elle se met en mouvement, doucement d’abord, cela te fige, elle parcourt les nouvelles lignes de ton front, elle descend par les chemins habituels jusqu’au menton, elle évite la poitrine où les battements de ton cœur pourraient l’affaiblir, elle hésite à glisser le long de ton dos, de suivre la limbe*. A son passage, Elle ne prend pas les chemins des cicatrices, ce qui serait trop te plaire, elle veut te découvrir au maximum, elle s’effile sur ton ventre, devient une simple ligne sur tes hanches, jusqu’à complètement disparaître.

*Merci à la prof de SVT de Claire d’avoir été absente lundi dernier afin que nous puissions réviser une nouvelle fois, cette leçon sur la détermination des feuilles et enrichir notre vocabulaire

Au fond du jardin, alors que l’on n’y prête jamais attention il y a un hêtre pourpre qui se débrouille plutôt mieux que les autres. Il ne semble pas souffrir de sa position, de l’exposition ou de je ne sais quoi. Son feuillage dense décourage les oiseaux mais attire les chats qui viennent s’enrouler autour de son tronc pour dormir au chaud.

Maintenant, que les autres sont nus comme des vers, on ne voit que lui, ce mélange de couleurs d’automne, ce panache de fierté.

Ce matin, nous avons joué avec le vent à je-fais-un-tas-de-feuille-et-toi-tu-souffle-dessus-pour-tenter-de-nous-décourager. L’air était humide et les arbres complétement nus. Tout en ratissant nous avons parlé de feux de cheminée, de purger les robinets extérieurs et même un peu réfléchi à un endroit pour mettre le sapin. Lorsque nous avons rassemblé tous les tas de feuille pour n’en faire plus qu’un gros, le vent, mauvais joueur a violemment claqué le grand portail bleu. La pelouse était gorgée d’eau, le ciel avait la couleur de celui qui ne pense qu’à se coucher, tout était pénétrant.

Et puis le soleil obstiné a percé, le thermomètre a légèrement frémis, le temps qu’une guêpe et une abeille viennent butiner les chrysanthèmes. Il n’en fallait pas plus pour nous arrêter un instant, et nous surprendre à parler de la mer qui nous manque, de siestes à l’ombre du if, du rosé qu’il nous faudra boire, à nouveau, sur cette terrasse. Là.

Ce matin,

allez hop !

escalade.

La position accroupie est loin d’être confortable, l’équilibre y est précaire et avec Marie à mes côtés je prévois l’effondrement imminent. Bien sûr cela nous fait rire, ce balancement, ces mouvements de bras dans l’air pour garder notre posture, s’accrocher l’un à l’autre au risque de tout faire tomber. Nous sommes censés être silencieux et immobiles, nous sommes cachés derrière le tronc de l’if, sous une couverture. Vu de côté nous devons être raisonnablement ridicule. Vue d’oiseau, il ne doit être visible ni mains ni têtes et lorsque la première charbonnière se pose dans le bouleau, à moins de trois mètres je retiens ma respiration.
Je murmure quelques mots à Marie qui a retrouvé une vieille paire de jumelle Dieu sait où et l’ajuste comme elle peut en direction de l’arbre. Je soulève mon appareil photo, l’oiseau est dans le viseur, dégagé, je fais la mise au point en sortant ma main de la couverture et déclenche. Je murmure, « la vois tu ? , juste devant toi ». Marie ne sait pas murmurer alors elle râle, « c’est tout noir, c’est tout noir »
Le grossissement de ces lentilles est tel que je ne sais pas si elle parle de la calotte de la mésange et lorsque l’oiseau s’envole je me rends compte que c’est la couverture qui retombe et couvre les lentilles de ses jumelles.