Commencer par l’entendre (15db, mouvements des ailes 200hz).

Repérer un point dans le ciel (16 mm + trompe d’environ 10mm).

Un point, qui vibre mais n’avance pas (18 paires de muscles moteur permettant le vol stationnaire)

S’avancer, voir le point disparaitre soudainement (poussée horizontale jusqu’à cinq fois son poids : 8Km/h), se sentir repérer ( 50 000 cellules photoréceptrices des yeux à facettes, vision à 360°). Attendre.

Revoir le point et la trompe revenir, voler de façon stationnaire (ailes avec torsion de 10 à 20 degrés, avec angle d’attaque plus grand à la base qu’à l’extrémité, haltères pour balanciers et gyroscope), pratiquement au même endroit (repéré à 12h), s’avancer encore, le voir disparaitre de nouveau pour réapparaitre, tourner autour, recommencer le manège, viser, déclencher (f4.0 1/1000s), photo (4288×2856 pixels sans marge d’erreur).

Marcher dans l’herbe, se rendre compte combien elle peut être déjà haute mais chasser l’idée d’avoir à s’en occuper pour l’instant. Sentir la rossée gelée envelopper ses orteils, se demander si au moins un jour ces chaussures ont été imperméables. Aller dans le garage chercher une planche assez grande, la porter à deux mains, traverser de nouveau la pelouse, jusqu’à un point exposé à recevoir les premiers rayons de soleil. Lâcher la planche en prenant garde de pas écraser des machins minuscules, d’endommager des carapaces ou quelques plantes intéressantes. S’allonger dessus, sur le ventre entendre sa respiration, un volet qui s’ouvre là haut, à l’étage de la maison, laisser ses jambes reposer à même le sol trempé, penser à la dérive d’un matelas pneumatique à des milles des côtes, découvrir depuis ce nouveau point de vue, la profondeur de champ et fixer, fixer un point de couleur, en pleine croissance.

Des poils partout.

Mais pas que.

Aussi des gouttes, mais pas visible par tout le monde. 

Déjà avec cette taille, avec cette couleur et cette tête cela ne doit pas être facile tous les jours.

Mais en plus s’il se loupe lors de l’ascension du grand renoncule jaune, s’il s’écrase comme une crêpe, là, cela devient difficile de le prendre vraiment au sérieux.

Je monte sur l’escabeau, il est temps de s’attaquer au mur, d’enlever les morceaux de béton qui cimentaient l’ancien toit, de supprimer les poutres qui y sont encore encastrées, de virer des tiges en ferrailles qui ne serviront plus, qui sont rouillées, qui font tâche. Je commence à taper au marteau sur mon burin, j’essaie de trouver les failles des pierres pour les décoller du reste, je tape fort. De là haut, je me rend compte que je peux réveiller la moitié des personnes du long et moyen séjour, qu’elles peuvent de toutes ces fenêtres voir le type qui les empêche de s’ennuyer en paix. Cela m’agace, d’autant plus que moi si je regarde je ne peux voir personne à cause des reflets des vitres, je ne peux que les imaginer dans l’ombre à me regarder, je ne peux voir, au deuxième étage, que ce fauteuil roulant sur lequel on a jeté une couverture rouge et abandonné une poupées de laine.

Cela ne vient pas tout seul, je retire mon blouson, je tape plus fort, les morceaux giclent sur mon crâne, je m’énerve, je pense aux jardiniers, je pense au type qui à pris la décision de virer ces arbres frontières de nos vies, je pense à la fille de la marie qui a refusé de nous montrer le permis de construire où peut être figurent les conditions d’implémentation de cet hôpital en bordure de la maison.  

Je tape directement au marteau maintenant sur le béton, ah si tous, ils pouvaient deviner le fin fond de mes pensées !

Je commence à croire

qu’elle

me bat froid.

les abeilles charpentières

délivrent un message

clair. Le printemps est là.

Il ne faudrait pas que…

Invariablement,

après, les jaunes,

au tour

des violets.

Elle rentre juste d’Afrique du nord où il se passe de drôles de choses.

Nous ne l’avions pas vue auparavant.

Mais si elle décide de rester, la laisserons nous casser les coquilles d’escargots contre une pierre pour en manger l’intérieur ? La laisserons nous bousiller notre plus beau sujet photographique ?

Ce soir,

entre deux averses,

light-painting dans le jardin.

Thèmes : Est-ce qu’il serait possible d’être tranquille au moins deux minutes, assis sur un banc ?