Depuis notre dernière dispute, depuis qu’elle nous avait vidé son sac, j’avais changé mon comportement. J’évitais de la juger, de lui rappeler ses devoirs, de lever les yeux au ciel chaque fois que son téléphone portable vibrait. Je ne marchais pas vraiment sur des œufs mais je la regardais, je lui parlais comme j’aurai aimé que l’on me parle à son âge, enfin c’est ce que j’imagine.
Nous allions partir, la voiture était chargée, je l’ai trouvée en pleurs assise sur les marches de la terrasse. La journée avait été incroyablement chaude et lumineuse et maintenant que le soleil se couchait derrière les bâtiments l’air devenait plus vif, l’hiver venait caresser votre peau pour ne pas se faire oublier si vite. Je me suis accroupi devant elle, j’ai posé mon front sur le sien ce qui a réussi à la faire sourire. Elle s’essuyait les yeux avec les manches de son gilet bleu à capuche. Je posais des questions fermées et détournées comme je l’avais lu dans un livre censé vous aider à communiquer avec vos enfants. Ses réponses étaient vagues, un échange de SMS avec quelqu’un que je n’avais pas à connaître avait tourné au vinaigre. Je n’en espérais pas découvrir tant.
Quand elle en a eu marre de mes questions, quand il est devenu évident que mon pouvoir était limité sur ces malheurs, elle s’est levé, a traversé la cour, monté dans la voiture en attendant que l’on veuille bien enfin quitter les lieux. Je n’étais pas particulièrement pressé de partir. Toute la journée des grues avaient traversé le ciel en formation en poussant des cris rauques. Je restais assis en tendant l’oreille, en scrutant l’horizon à espérer qu’un nouveau petit morceau de bonheur vienne soulager cette ambiance morose.