L’intérêt aussi d’avoir taillé le tilleul c’est de permettre d’orienter, un peu, les vols des mésanges devant les branches fines et encore colorées des boulots.
Articles de » 2016 «
Il est 13h17, j’ai passé 4 heures dans la cave à enduire et poncer les murs. L’escalier, la hauteur du plafond, les tuyaux ont rendu la tâche acrobatique et respirer cette poudre de plâtre me donne soif. Mes pas laissent des traces blanches sur le tapis, le comblanchien et le carrelage. La luminosité dehors est limitée mais je distingue une silhouette qui se déplace d’arbre en arbre. Un oiseau vert et rouge, j’ai du mal à le croire, un pic vert qui se balade dans le jardin en ville, à quelques mètres de moi.
Un pic vert dans mon jardin ! Une photo, une photo ! Je dois faire une photo !
Pas compliqué, il suffirait d’aller chercher tranquillement l’appareil photo que j’ai astucieusement posté, tôt ce matin, dehors, dans le jardin, afin d’habituer les (petits) oiseaux à sa présence, et de faire des clichés dans l’après midi. J’ai donc sous les yeux, derrière la fenêtre, un pic vert qui tourne sans s’inquiéter autour de mon appareil photo inaccessible.
Mais rien n’est perdu, dans le bureau, traîne encore mon ancien appareil dont le stabilisateur est cassé. Je me précipite, mes pas laissent de nouvelles traces blanches sur le carrelage, sur le tapis puis sur le parquet. De retour dans la cuisine avec mon ancien appareil photo, maintenant couvert de traces de doigts pleins de plâtre, comme tout ce que je touche, je prie pour que le pic soit toujours là.
Il semble occupé à chasser des vers près du hêtre mais pas moyen de faire une foutue photo nette. Nouvel aller retour en courant au bureau pour aller chercher une focale plus grande (105 mm) et tant bien que mal, j’arrive à obtenir un portrait lointain et pas très net de l’oiseau qui est resté un bon moment à faire des trous dans la pelouse.
Le lendemain il pleuvait. Mon appareil photo avec moi et je suis resté à l’attendre en vain jusqu’à 13h30 puis j’ai repris mes travaux.
Je me souviens, d’avoir été, dans mon enfance, réveillé un dimanche matin, par le bruit bref et surprenant que fait un brûleur de montgolfière pour chauffer l’air et gagner en altitude. J’avais alors ouvert mes volets et découvert une dizaine de ballons au dessus de la campagne auxerroise, suspendus dans l’air froid et calme du petit matin. Des touches de couleur vivantes, glissant dans l’air, communiquant entre elles en crachant de temps en temps de bruyants jets de gaz.
Bien des années après, cette montgolfière isolée semble représenter ce qui a pu être perdu depuis, laissé au fil des année. Tout ce qui peut rester me semble moins majestueux, plus terne et même si j’apprécie le clin d’œil, de la magie ne reste qu’un peu d’air chaud.
Je me souviens aussi d’une photo de femme, de dos, tenant un enfant à la main regardant le spectacle de ces toiles flottant dans le ciel, au dessus de cette même campagne.
A ce rythme, d’une photo tous les deux ans, je peux espérer un cliché potable du troglodyte pour ma retraite.
Plusieurs fois que ces deux là je les repère à des horaires répétés. Le geai dans sa maladresse coutumière (consultation le matin à 9h30, l’après-midi vers 15h) et le moro sphynx tout en vrombissement dans les géraniums en début d’après midi. Mais le jour où je me prépare, où je les attends, on peut être sûr qu’ils ne viennent pas.