Au commencement, je cherche juste à arracher quelques mauvaises herbes dans un des puits de lumières en face des fenêtres de la cave. Je m’agenouille, j’attrape les herbes en cherchant à les prendre le plus bas possible pour avoir les racines quand soudain quelque chose bouge, saute. Moment de panique, je retire précipitamment ma main et me recule dans un réflexe.
Il y a un crapaud là. Qui se gonfle. Qui me regarde de biais. C’est nouveau ça.
Découvert, il tente de passer par la fenêtre de la cave qui aujourd’hui est restée fermée et reste un moment collé contre la vitre.
Il n’est pas très attirant, je reste quelques minutes à l’observer, les pattes tendues vers une issue qui n’en est pas une il ne bouge plus. Il me fait penser aux images de ces gens qui cherchent à passer les mûrs de barbelés de certains pays pris dans le trait de lumière d’un projecteur. Depuis combien de temps peut il être là et qu’il y a t’il à faire pour l’aider ?
Je commence par déposer la soucoupe pleine d’eau dévolue habituellement aux oiseaux à ses côtés. Dans mon esprit, crapaud rime avec eau, avec nénuphar. En vérité, je ne l’ai jamais vu boire ou se mouiller et selon les sites spécialisés, on trouve des crapauds dans presque tous les biotopes y compris dans des endroits très secs. Après tout rien n’indique qu’il soit en danger. Pourquoi vouloir automatiquement le tirer de là ? 
Je repasse plus tard, il a repris une position assise, plus à l’aise, plus détendu. L’ironie de l’histoire, c’est que dans le bac mitoyen, commence à briller un ver luisant dont il se serait sans doute régalé et dont je peu profiter dans la chaleur du soir.
Le lendemain, je le distingue à peine. Il s’est enterré dans les cailloux et sa couleur, ses bosses se fondent avec le sol. Seuls ses yeux semblent scruter le moindre mouvement et j’aimerai le voir attraper une proie par curiosité.
La semaine suivante, je crois qu’il n’est plus là et je me fais une raison. Mais la semaine d’après, sans trop y croire, je jette un oeil et le retrouve camouflé dans l’environnement.
Je ne saurai sans doute jamais comment il est arrivé jusqu’ici. Par la route ? En se laissant porter par les eaux jusqu’à la trappe d’évacuation de la cave ? On peut se laisser à imaginer différentes circonstances, fantasmer à des situations qui peuvent survenir et forger les destins des crapauds.
On a décidé de le transporter jusqu’à un lac dans un parc. Je ne sais pas exactement ce qui nous a motivé, sans doute notre impérieux désir de nous mêler du bonheur de ce qui nous entoure, alors qu’il n’a manifesté aucune gêne, aucun désagrément.
Un crapaud cela peut vivre longtemps, plusieurs années, il aurait pu être notre mascotte, la seule chose qu’il pouvait craindre chez nous, était l’appétit féroce des corneilles qui semblent toujours aux aguets. Je regarde encore souvent s’il n’est pas revenu à sa place, je l’espère un peu.