Catégorie » Un an de photos «
Quand on oublie la tablette il faut avoir recours aux grands moyens pour vider l’appareil photo des centaines de clichés prises pendant la semaine. C’est un peu sport sous la pluie et cela induit certains risques comme bouger l’objectif et l’ensemble des connexions (résultat quasiment pas de photos prises les deux jours suivants, c’est très sensible).
Quelques photos remarquables : Avec dans l’ordre d’apparition, le mannequin blagueur, le soleil, la pluie, le sapin de noël en fin de vie, le brouillard et le fantôme qui va chercher du bois à la lampe frontale.
Après un mois et plusieurs centaines de photos, il faut avouer qu’il ne se passe pas grand chose dans le jardin. Parfois on capture au petit matin des couleurs étonnantes avec la brume qui diffuse les lumières chaudes des réverbères.
Parfois, il y en a qui font les andouilles (sous pretexte d’un tendinite au coude) et d’autres qui travaillent.
A propos, le système fonctionne correctement. Il y a quelques surprises, parfois il manque des prises, parfois il y en a beaucoup trop. Cela reste fragile, il faudra être vigilant avec la saison à venir.
Donc depuis ce matin c’est opérationnel. La première photo a été prise à 10h20 et normalement si tout se passe comme prévu, la dernière sera prise vers 21h le 25 août 2018. Soit, pour une fréquence d’une photo toute les demies heures en journée, un peu moins de 9 000 photos au final. Cela semble tellement loin et improbable, que je ne me pose même la question de savoir comment gérer ce paquet de fichiers. Comment en faire un film convenable de 3 minutes ou plus ?
Il faut dire aussi, que les risques que le processus n’arrive pas au bout sont multiples. On peut imaginer un tas de raisons techniques, un transfo qui lâche, l’appareil photo ou l’Arduino qui tombe en panne. Il y peut y avoir des contre temps fâcheux, un animal qui ronge un fil d’alimentation, le froid et le gel qui viennent bloquer les mécanismes, l’humidité qui cause des courts-circuits, la carte mémoire qui flanche, des insectes dans le boitier, la buée sur l’objectif pendant une semaine, la poussière, le vent, le toit qui s’effondre. Et puis il y a moi. Rien n’indique que dans quelques semaines je ne vais pas en avoir assez, que je ne vais trouver le projet vain, que je ne vais pas tout envoyer balader, que je ne serai pas devenu impotent ou décédé.
Ce n’est pourtant pas comme envoyé une capsule dans l’espace, mais pour moi il y a de cela. Suivre quelque chose sur un si long terme, c’est le vrai défi. La technique, tout cela ce n’est rien, ce n’est que de la cuisine, mais être capable de maintenir le souffle de cette envie sur 12 mois, voilà quelque chose qu’il est plus facile d’entreprendre que d’achever.
Pas fier de moi, il a fallu que je me rende à l’évidence de la nécessité de protéger la maison d’un court-circuit provenant d’une prise électrique exposée au vent et à la pluie. Un disjoncteur il y en a au niveau de l’ancien puit, il était prévu avec le système pour alimenter la pompe mais le tout a été laissé à l’abandon quand le puit s’est vidé. La pompe a été sortie depuis longtemps. Il y a eu des essais pour remettre le puit en service, en creusant d’avantage pour retrouver une source mais travailler à dix mètres de profondeur dans un trou d’un mètre de circonférence s’est avéré dangereux. Le système d’irrigation de la pelouse, des mètres de tuyaux enterrés, n’aura servi que quelques mois et les prises pour brancher le tuyau d’arrosage ne sont même plus visibles, recouvertes de terre ou d’herbe.
Nous avions fait venir deux sourciers pour en avoir le cœur net. Mais chacun a sa méthode différente, qui de la baguette de coudrier, qui de la fane de baleine, nous a fait comprendre qu’il fallait creuser à au moins douze mètres. Le peu de crédit que j’ai accordé à la démonstration associée au prix d’un tel chantier rapporté au nombre de chasse d’eau à tirer pour rentabiliser un tel investissement à définitivement enterré le projet. Nous n’arrosons plus la pelouse, d’ailleurs nous n’avons plus de pelouse mais un grand carré d’herbe.
Le disjoncteur est placé dans une boite comme celle que l’on trouve le long des voies de chemin de fer. Quelque chose de solide, de sérieux, qui va donner du cachet à mon projet et redorer mon blason. Lorsque je l’ouvre un tas de bestioles en sort, échappant aux griffes d’une énorme araignée qui, vu sa taille, a dû naitre là-dedans et dévorer tout ce qu’elle a pu y trouver. J’ai travaillé en silence, lentement, évitant d’utiliser mon bras gauche. Cela m’a pris l’après-midi, déplacer la boite, refaire les branchements, trouver une place pour le minuteur, la prise multiple et le transformateur. Tout semble fonctionner mais il me faudra sans doute un peu de temps avant d’avoir confiance en la fiabilité du système qui devra tolérer la rigueur de l’hiver.
Il a fallu de l’eau. Je ne sais pas par où elle est rentrée, il parait qu’il a bien plu, qu’on a battu des records. Les gouttes se sont accumulées puis rassemblées, en glissant, en se transformant en petits boudins liquides, juste ce qu’il faut, une très grosse larme, assez pour remplir l’espace entre le neutre et la phase, assez pour faire sauter les plombs et plonger la maison dans le noir.
Pourtant la prise électrique est à l’abri. Elle est protégée par le toit du auvent, je n’aurai jamais imaginé cela. A moins que le toit fuit, à moins que cela soit simplement l’humidité. C’est plus pernicieux l’humidité, on ne voit rien arriver et tout à coup vous avez de la buée sur les lunettes ou les vitres des voitures. C’est peut être cela, de l’eau qui n’a pas pu s’évaporer, qui est venue sous forme de fumée, qui est restée prisonnière de la prise de courant pour se retrouver en eau avec la chaleur du jour.
Les conséquences furent pénibles. Après deux heures de route, il a fallu vider le congélateur et éponger le sol. Des kilos de nourritures potentiellement avariées ont remplis deux sacs poubelles, dont les coquilles-saint-jacques ramenée l’an dernier de Normandie, le hachis de canard non consommé à noël, les pots de glace transformées en soupes. J’étais fier de sauver une boite de Magnums, un peu mous, mais qui pouvait égailler le repas composé d’une unique pizza, qui, elle, avait eu le temps de refroidir. Ils n’étaient pas bons les Magnums, j’ai cru tomber malade.
Comment j’aurai pu imaginer que le coût de mon installation, prévue uniquement pour photographier un jardin tous les jours, allait exploser pour inclure le prix de trois mois de nourriture ? Cette prise électrique je l’avais installé quinze jours auparavant sous un soleil de plomb et avec une tendinite et voilà qu’elle flanche au premier orage. Cela me laisse entrevoir de bons moments pour toute cette année que ce projet est censé durer.