Le magnolia est malade.

On n’osait pas se l’avouer mais oui la mousse sur ses branches, les fleurs de plus en plus rares et éparses, aucun signe de progression d’épanouissement, on savait bien que quelque chose clochait. Nous avions peut être peur d’en parler redoutant qu’il n’y ai pas de solution, que les seuls conseils que l’on pourrait nous donner soit de l’arracher, de ne pas perdre de temps pour replanter autre chose. Lui qui devait profiter de l’espace que nous avions crée autour de son tronc comme on nous l’avait prédit, se décharne petit à petit.

J’ai taillé les branches nues.

On essaiera de mettre de l’engrais au pied. Cela semble peu de chose, nous ne sommes guères confiants.

Il suffisait de brosser le tronc, de le débarrasser de la mousse et de la poussière pour qu’il prenne du relief, pour que sa structure complexe et tourmentée dessinée au fil des ans refasse surface au milieu du jardin. Je ne sais pas quel âge il peut avoir, personne ne s’est posé la question. Il est moins haut que le if, mais plus épais, plus creusé. Les marques des coupes franches de tailles d’hiver forment des cercles noircis, des boursouflures comme des cicatrices à différentes hauteurs, au fil des années. Une peau couvertes de rides, de lignes de vies.

Faut pas venir me demander

comment la brume à fait

pour sortir ces liens.

Il y a 7 ans, la première chose entreprise fut d’arracher des arbres.

Ceux déjà morts, les malades, les dangereux, les trop envahissants.
Il y avait là un petit bois essentiellement composé de sapins et d’ifs, un petit bois à domicile,

et je tâche de ne pas imaginer les possibilités, qu’auraient pu apporter un tel univers à la fois sombre et drôlement peuplé, sur notre vie ici.

Au fond du jardin, alors que l’on n’y prête jamais attention il y a un hêtre pourpre qui se débrouille plutôt mieux que les autres. Il ne semble pas souffrir de sa position, de l’exposition ou de je ne sais quoi. Son feuillage dense décourage les oiseaux mais attire les chats qui viennent s’enrouler autour de son tronc pour dormir au chaud.

Maintenant, que les autres sont nus comme des vers, on ne voit que lui, ce mélange de couleurs d’automne, ce panache de fierté.

En Louisiane les liquidambars

étalent de magnifiques nuances du pourpre à l’écarlate.

Ici, une seule feuille rouge.

Mais en prolongement de laquelle on trouve à tous les coups

la lune.

Et dire qu’on a voulu le couper. Pour un peu d’écorce qui se détache.
Un arbre qui vivait déjà une quarantaine de millions d’années avant l’apparition des dinosaures. Un arbre qu’on s’échangeait contre 40 écus. Et bien, il semble se torde de rire, croyez moi,  on a l’impression qu’il en rigole.
De toutes ses belles dents en or.

Envelopper,

Soutenir,

Rester pas loin.

Un lien,
parfois si ténu
et toutes ces possibilités retenues
qui ne semble tenir à rien.

Le magnolia qui par deux années de suite avait refusé de fleurir, se laisse aller à nous offrir cinq fleurs pendant les vacances.

Les faisant éclore successivement, pour faire durer le plaisir.

De là à y voir un remerciement d’avoir pris soin de blanchir son tronc cet hiver…