– Cette année il ne faudra pas compter sur les fleurs de la clématite.
– Et alors tous ces bourgeons ?
– Ca, j’ai peur que cela ne soit que des boutons de feuilles…
– Non…
– Hum, si, si, je t’assure que de la feuille, que du vert, autant faire une croix sur tout autre couleur…

– Humpf, que des feuilles hein !
– …

Ce matin

c’est la moue style  mick jagger

J’ai recherché auprès de « Faust » et de sa Marguerite vénale et légèrement idiote,
je me suis aussi tourné vers la reine Margot, Marguerite d’Angoulême reine de Navarre
et je n’ai pas plus trouvé ce penchant irrésistible portée par cette fleur,
cette tentation d’être minuscule,
suffisamment insignifiant
pour pouvoir s’y allonger,
pour somnoler de tout son long au travers de cette mousse de petits doigts dressés et souples, qui ne demande qu’à m’absorber, qu’à m’engloutir en silence et à me faire disparaitre.

– Dis voir, ils n’étaient pas là la dernière fois.

– Les iris ? Tu parles de cette rangée d’iris ?

– C’est ça.

– Ils n’étaient peut être pas aussi hauts.

– Ouais, ils étaient peut être même au moins encore sous terre.

– C’est possible.

– Mais là, ils sont bien beaux

– Ouais, alignés, comme à la communion.

– Sont bien beaux.

– Ouais c’est une belle surprise.

– C’est ça.

L’instant de la saison, de la position du soleil, du développement du bourgeon pour un rouge passionné, celui du sang, des muscles, de la bouche, des lèvres, du cœur, du feu qui crépite, des braises.
Quelques instants de chaleur accueillante, d’appétit, de vie, de force vitale, de fête, du spectacle de la richesse, des émotions, de la pulsion, de l’envie, du désir.
La couleur du diable, de la tentation, du feu, de la destruction, du sang versé, de la chaleur cuisante.

Le rouge qui va jusqu’au pourpre.

Ne pas se laisser enivrer

par la fougue de la machine

dés la première tonte

et épargner le coucou.

Marcher dans l’herbe, se rendre compte combien elle peut être déjà haute mais chasser l’idée d’avoir à s’en occuper pour l’instant. Sentir la rossée gelée envelopper ses orteils, se demander si au moins un jour ces chaussures ont été imperméables. Aller dans le garage chercher une planche assez grande, la porter à deux mains, traverser de nouveau la pelouse, jusqu’à un point exposé à recevoir les premiers rayons de soleil. Lâcher la planche en prenant garde de pas écraser des machins minuscules, d’endommager des carapaces ou quelques plantes intéressantes. S’allonger dessus, sur le ventre entendre sa respiration, un volet qui s’ouvre là haut, à l’étage de la maison, laisser ses jambes reposer à même le sol trempé, penser à la dérive d’un matelas pneumatique à des milles des côtes, découvrir depuis ce nouveau point de vue, la profondeur de champ et fixer, fixer un point de couleur, en pleine croissance.

Je monte sur l’escabeau, il est temps de s’attaquer au mur, d’enlever les morceaux de béton qui cimentaient l’ancien toit, de supprimer les poutres qui y sont encore encastrées, de virer des tiges en ferrailles qui ne serviront plus, qui sont rouillées, qui font tâche. Je commence à taper au marteau sur mon burin, j’essaie de trouver les failles des pierres pour les décoller du reste, je tape fort. De là haut, je me rend compte que je peux réveiller la moitié des personnes du long et moyen séjour, qu’elles peuvent de toutes ces fenêtres voir le type qui les empêche de s’ennuyer en paix. Cela m’agace, d’autant plus que moi si je regarde je ne peux voir personne à cause des reflets des vitres, je ne peux que les imaginer dans l’ombre à me regarder, je ne peux voir, au deuxième étage, que ce fauteuil roulant sur lequel on a jeté une couverture rouge et abandonné une poupées de laine.

Cela ne vient pas tout seul, je retire mon blouson, je tape plus fort, les morceaux giclent sur mon crâne, je m’énerve, je pense aux jardiniers, je pense au type qui à pris la décision de virer ces arbres frontières de nos vies, je pense à la fille de la marie qui a refusé de nous montrer le permis de construire où peut être figurent les conditions d’implémentation de cet hôpital en bordure de la maison.  

Je tape directement au marteau maintenant sur le béton, ah si tous, ils pouvaient deviner le fin fond de mes pensées !

Invariablement,

après, les jaunes,

au tour

des violets.

Ce n’est pas tant l’abeille,

la mouche ou le crocus aperçus ce matin,

que le son de la flute de Claire,

échappé par une fenêtre restée entre-ouverte,

qui me parle de printemps,

maintenant,

au milieu du jardin.