Des semaines de calme dans le jardin occupé exclusivement par les mésanges, les moineaux, les pies, les pigeons et la bande de corbeaux habituelle.
Et puis il y a ce jours où l’on ne sait pas pourquoi, en une heure, vont apparaître troglodyte mignon, gros bec casse noyaux, une volée de mésanges à longue queue et une drôle de bestiole à la houppette en bataille.
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Le ballet avait duré quelques jours. Un seul oiseau, le mâle ramenait de quoi manger à la femelle chargée de la couvaison. J’avais pu assister aux différents préparatifs, les visites régulière du nichoir, l’agrandissement du trou d’envol, la confection du nid. J’avais pris des notes sur mes observations des années passées et je pouvais anticiper les prochaines étapes : Dans dans quelques jours la mère quitterait le nid et s’associerait pour venir nourrir les nouveaux nés dans un ballet incessant et impressionnant. Dans une dizaine de jour, les oisillons montrerons le bout de leur bec à l’entrée du nichoir.
Mais cela s’est arrêté. Je ne sais pas quand cela s’est produit mais j’ai cessé d’apercevoir depuis la fenêtre de la cuisine ce mouvement, la trajectoire rectiligne de l’oiseau jusqu’à l’entrée du nichoir. Alors j’ai guetté plusieurs jours mais la mésange bleue n’est jamais réapparu.
Le pire était à craindre et j’ai laissé passé du temps avant d’avoir le courage de décrocher le nichoir et de l’ouvrir.
Dans le nid, le corps de la mère sur ceux des oisillons et d’un œuf encore intacte. Au fil des années les nids s’étaient accumulés, les uns sur les autres réduisant la distance entre l’entrée du nichoir et l’emplacement des œufs. Un coup de bec d’une pie ? Le mâle était il mort et la femelle l’avait attendu jusqu’à mourir de faim ?
Je m’en suis voulu de ne pas avoir nettoyer chaque hiver cette boite en bois de ne pas l’avoir vidée.
Ce printemps est bien vide.
Quand je les découvre dans le jardin le dimanche matin je suis immédiatement tenté de leur trouver un nom tant cela me fait quelque chose de les voir arriver à l’improviste. Des invités un peu sans gènes mais que l’on apprécie de voir s’imposer, prendre leur aise au milieu de rien, de ceux qui vous donnent le sourire par leur simple présence. Intention qui disparaît aussitôt tant il paraît inconvenant d’attacher une étiquette à des animaux que l’on souhaite encore sauvage.
Nous partageons une pomme dont je lance des morceaux depuis les marches de la terrasse et où je suis assis dans un faible rayon de soleil. Des morceaux pas trop gros et pas trop loin pour qu’ils s’approchent un peu, que je les vois mieux. Le monsieur reste à l’écart, il prend très au sérieux sont rôle de garde du corps en surveillant les arrières et en me montrant qu’il n’est pas dupe de mes offrandes, qu’on ne lui fait pas à lui. Madame est assez confiante jusqu’à venir effleurer ma main et tant pis pour lui, elle rafle la plupart des bouts de pomme.
Lorsqu’ils en ont assez, ils se détournent, elle ouvre la marche et l’entraîne vers la pelouse à l’ombre comme si la chaleur était insupportable.
Après un moment, ils vont se baigner dans la mare improvisée dans la carcasse du toboggan laissée à terre et qui retient l’eau de pluie. Cela me fait beaucoup rire ce détournement des choses.
J’ai fabriqué et installé un nichoir pour elle, à l’endroit même où l’on avait trouvé un œuf une année. Pour le moment ils s’en moquent éperdument et je ne suis pas certain que cela fonctionne. Ils ne se laisseront pas influencer comme ça, ce sont de vrais sauvages.
N’empêche que le jardin serait pas peu fier de suivre la naissance d’une bande de canetons. Et je ne dis pas que dans ce cas je ne me laisserai pas tenter à leur trouver à tous des petits noms.
Le printemps c’est un peu un aguicheur qui nous attire dehors avec des températures inhabituelles pour la saison, qui nous laisse entrevoir un rayon de soleil assez chaleureux pour le faire disparaître immédiatement dès qu’il est certain d’avoir capté notre attention.
Les oiseaux s’y laissent prendre et commencent à préparer les nids en attendant le grand moment. Les pies recyclent et consolident les constructions de l’an dernier alors que les mésanges nettoient et lissent les parois du nichoir dont les teintes commencent à virer au gris.
D’ailleurs il en est une à ma droite qui semble intéressée par de la filasse de mousse au point de ne pas s’inquiéter de ma proximité. Cela pourrait être vexant d’être moins considéré qu’un bout de liane même si la matière et la forme de ce bout de truc semblent vraiment idéales pour la conception d’un nid.
Il faudra un petit moment d’observation pour me rendre compte que quelque chose n’est pas normal, que le comportement insolite de la mésange trahit un problème. Cette andouille a fini par d’emberlificoter dans le fil et se retrouve attachée. Je l’observe un moment pour voir si elle pourra s’en sortir seule avant de décider d’intervenir.
Elle n’apprécie guère que je m’approche et commence à paniquer en cherchant à s’envoler à fuir à tout prix. Pour elle je dois être le responsable de ce collet, c’est bien un truc de pervers, c’est bien un truc d’Homme que de laisser des filets partout. Il parait que certains utilisent même de la colle sur les branches.
Je ne sais pas trop comment m’y prendre, je voudrais l’attraper pour la maintenir et éviter qu’elle balance des coups d’ailes ou de bec tous azimuts mais j’ai besoin de mes deux mains pour défaire ce sac de nœud. Plus elle bouge plus le fil se resserre autour de sa patte.
Je tente de lui parler calmement, mais elle n’écoute rien et pire, son compagnon vient se poser sur une branche juste au-dessus de ma tête pour me siffler fort dessus, me prier de la laisser tranquille, m’invectiver.
Alors me vient l’idée de chanter. C’est un air que j’ai dans la tête depuis un moment, les paroles déboulent toutes seules, coulent comme un liquide, et si cela ne les calme pas, moi cela me permet d’être à ce que je fais, de ne plus trop les entendre.
« Ce n’est qu’un aurevoir, ce n’est pas la fin,
Je ne mentirai pas, tout ne va pas bien,
Mais ce n’est qu’un aurevoir au moins jusqu’à demain,
Je ne te l’apprends pas, le contraire de tout n’est pas rien,
Tu sais que rien ne s’arrête complétement
Il y a encore de toi dans mes sentiments… »
La manœuvre n’est pas simple, c’est du niveau chirurgical et j’ai très peur de lui casser la patte. Je coupe le bout de branche pour plus de liberté, j’y vais par petits bouts, je chante encore.
« Ce n’est qu’un aurevoir, ce n’est pas la fin… »
Enfin, dès qu’elle sent que la contrainte se relâche, dès que j’ai réussi à défaire le dernier nœud, elle s’envole et se pose à terre, à un mettre, pour s’enfuir aussitôt.
Son compagnon reste au-dessus de moi, il me toise, il ne dit plus rien, il ne sait pas trop quoi penser de ma petite personne.
Après le nid de frelons asiatiques sous les tuiles cet été, le trou de souris dans le jardin, l’invasion continue….